[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Changer les entreprises pour changer le monde. La théorie marxiste structure de manière binaire et antagoniste le monde de l'entreprise en deux parties. Le capital et le travail. Le capital décrit les moyens de production détenus par les propriétaires. Le travail définit la force de travail que les salariés proposent en échange d'un salaire. L'entreprise en général et ses modes de fonctionnement se seraient donc construits autour de ces deux notions. Les libéraux quant à eux intègrent la notion de marché et de client comme éléments de régulation que les États-nations intermédient en fonction de la dimension sociale des gouvernants. Le capital, le travail et le marché seraient donc les éléments constitutifs des fonctionnements des entreprises et des organisations en général. De manière schématique, les organisations définissent des stratégies pour s'adapter au marché et s'organisent en interne pour produire avec un fonctionnement hiérarchique en mode, commande contrôle. Mais ce modèle, au cœur du système productif, est de plus en plus challengé. 80 % à 90 % des salariés seraient non engagés en Occident selon les enquêtes Gallup. Des jeunes aujourd'hui, qui rentrent sur le marché du travail, boudent l'entreprise traditionnelle. Le salariat ne fait plus recette. Les entreprises ne sont plus vues comme les acteurs du progrès par la croissance économique. Leur image se détériore dans l'opinion publique. Elles sont vues de plus en plus comme des pollueurs uniquement intéressés par les gains financiers et l'exploitation des travailleurs dans les pays à bas coût. Je ne parle pas de crise de l'entreprise comme certains collapsologues. Ce sont des signaux forts et faibles qui invitent les entreprises et les organisations à se réinventer pour être en adéquation avec les attentes sociétales. Il y a donc urgence pour les acteurs de l'entreprise de comprendre le pourquoi de cette désaffection, d'analyser les nouveaux ressorts de la motivation des collaborateurs et d'inventer des nouvelles formes de travail. Ces signaux font ressortir la notion de responsabilité sociétale de l'entreprise. Les organisations doivent intégrer une nouvelle composante, la société et l'impact sur cette dernière. Nous avons parlé d'organisation autour du capital, du travail et du marché. Les organisations devront intégrer en plus leur impact positif sur la société. Dans la Silicon Valley et plus généralement aux États-Unis, les entreprises ont l'habitude de se présenter et de présenter leurs projets en mentionnant qu'elles veulent changer le monde. Certains diront que c'est une forme de storytelling pour habiller une démarche purement mercantile. Peut-être, mais ces entreprises dans leurs discours font cohabiter une mission sociétale et un projet entrepreneurial. Alors, pourquoi s'en priver? André Citroën, une marque centenaire, ne voulait-il pas changer le monde en démocratisant l'accès à l'automobile? L'entreprise deviendrait-elle un lieu majeur de la transformation du monde? Parfois perçue de manière antagoniste comme un lieu d'exploitation et de profits, l'entreprise contemporaine n'est-elle pas en train de muter vers un objet sociétal comme le mentionnent les travaux de Frédéric Laloux? L'expression sociétale d'un désir de participation de plus en plus fort, la complexité des environnements concurrentiels et réglementaires, et la nécessité de repenser nos modes de production et de consommation dans un souci environnemental sont autant de contraintes, mais aussi d'opportunités pour repenser le travail. Il existe une contradiction entre des systèmes de plus en plus procéduriers et contraignants en réponse à une complexité des environnements et des exigences d'innovations ordinaires pour des enjeux de différenciation et d'optimisation. Cela conduit à une crise managériale que le sociologue François Dupuy a nommé la faillite managériale. Pour trouver les solutions, de nombreuses organisations développent des innovations managériales pour redonner des marges de manœuvre aux personnes et développer leur capacité de réalisation collective. Les hommes font l'histoire sans savoir qu'ils la font mais en cherchant à la faire disait Marx. Un collectif est un ensemble de personnes en mouvement motivées par la réalisation d'un but collectif. La question du but collectif se pose de plus en plus. Pour cela, on parle de sens, de raison d'être ou encore de mission. Les entités collectives ne peuvent se limiter à un objectif financier, mais être des acteurs de la société et développer des impacts sociétaux positifs. Cela conduit les organisations à définir leur raison d'être et leur mission et de cela découlent des organisations, des fonctionnements, des gouvernances et des modes de management. Le besoin de sens consiste à positionner un acte productif dans une finalité plus globale et plus sociétale. Par exemple, Danone a pour mission d'apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre. Le Act for food de Carrefour est devenu une ligne stratégique de transformation pour l'entreprise. L'enjeu réside dans la définition de sa raison d'être, mais surtout dans la diffusion de cette dernière et de son intégration dans les actes quotidiens. Dès lors, la diffusion de la raison d'être devient un projet de changement culturel avec des dispositifs de communication et d'expérimentation. On parle alors d'ancrage et d'implémentation pour obtenir un point de bascule. On voit une nouvelle forme d'entreprise émerger que sont les entreprises à mission. On parle aussi de société à mission. Elles intègrent dans leur objet social un double objectif. Économique et sociétal. Elles revendiquent leur volonté de faire des gains, mais pas au détriment de valeurs et aussi de développer un objectif sociétal. Larry Fink, dirigeant de BlackRock, tient les propos suivants. Les profits et la raison d'être ne s'opposent pas. Ils sont inextricablement liés. Il faut envisager une nouvelle génération d'entreprises focalisées sur la raison d'être. >> Aujourd'hui, on fait face à une vraie urgence. Une urgence devant laquelle je pense l'humanité n'a jamais été. L'urgence, elle est climatique, l'urgence est au niveau de la biodiversité, l'urgence est sociale. Et très clairement, l'entreprise, les entreprises sont les plus puissants leviers de transformation de la société qu'on ait à disposition. Et il y a aujourd'hui une attente et une exigence de la part de la société civile, des citoyens, des consommateurs, des collaborateurs et c'est la même personne, vis-à-vis du rôle de l'entreprise sur ces enjeux-là. Et les entreprises qui vont réussir sont les entreprises qui sauront prouver leur utilité pour la société. Il y a donc urgence pour tous les dirigeants, quels qu'ils soient, qu'ils soient de jeunes dirigeants qui créent leur entreprise, qu'ils soient des dirigeants de très grands groupes, qu'ils soient des dirigeants de PME, de prendre conscience qu'aujourd'hui il faut à la fois redonner du sens à l'entreprise et surtout mettre au cœur de son projet une mission, une mission qui a une utilité sur des enjeux sociaux, sur des enjeux environnementaux, et mettre cela au même niveau que la mission économique de l'entreprise parce qu'au fond, ce sont les entreprises qui sauront avoir un profit pour la société qui demain feront encore du profit. [MUSIQUE]