[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je m'appelle Jean-Guy Henckel, et je suis le directeur national du réseau Cocagne. Aujourd'hui c'est 130 structures, 110 jardins et une vingtaine d'autres ; des restaurants, des conserveries, des choses comme ça. C'est près de 4 500 jardiniers, donc nous c'est notre jargon ; ouvriers maraîchers ou jardiniers, pour présenter les personnes en insertion qui sont recrutées sur les territoires. On livre chaque semaine des adhérents consommateurs, des gens qui ont pris l'engagement d'acheter des paniers de légumes chaque année : à peu près 25 000 foyers chaque semaine. Pour bien comprendre pourquoi un partenariat de cet ampleur avec Caritas, il faut peut-être revenir un tout petit peu en arrière pour comprendre pourquoi à un moment donné une organisation qui a une vingtaine d'années a eu besoin de développer ce qu'on appelle des nouvelles alliances ou des alliances fertiles. Pendant qu'on se développait, le monde évoluait autour de nous et changeait beaucoup. Donc il y a de plus en plus de public en difficulté, il y a de plus en plus de phénomène de pauvreté pour lequel nous n'avions pas vraiment de solution. Face à ces nouveaux phénomènes de pauvreté, face aussi pas à un désengagement, mais les pouvoirs publics n'ont plus les moyens d'endiguer ces vagues de pauvreté et donner les moyens aux acteurs de l'insertion par l'activité économique, donc beaucoup moins d'argent qui vient des collectivités locales, des collectivités territoriales et de l'Etat, et puis cerise sur le gâteau, on était les seuls à faire des paniers de légumes en France, maintenant tout le monde fait des paniers de légumes. Donc dans un contexte de cette nature-là, soit vous décidez de dire c'est terminé, c'est la fin de l'organisation, ou alors à un moment donné vous réflechissez à une nouvelle stratégie. On ne voyait pas comment créer des nouvelles alliances sans avoir une stratégie de rapprochement très aboutie avec le monde de l'entreprise. Et c'est dans ce cadre-là, qu'avec Caritas, qu'avec Le Rameau, on a affiné cette stratégie, on l'a faite valider par des cabinets externes, puis ensuite on a pu se mettre au travail. On trouve encore dans l'insertion par l'activité économique ou dans l'économie sociale, des comportements qui à mon avis n'ont plus cours dans le sens où je pense que j'ai une bonne idée, donc ils n'ont plus qu'à me donner de l'argent, puisque c'est une bonne idée. C'est beaucoup plus complexe que ça. C'est comme une relation amicale, ou même de couple : si vous voulez que ça dure, il faut l'entretenir. Et là, en l'occurrence, c'est pas parce qu'on a réussi un très joli coup sur maison Cocagne et cetera, c'est qu'il faut continuer ce type de relation et parfois il faut se creuser la tête pour essayer de trouver ce qui va encore nous rassembler dans les années qui viennent. C'est assez facile dans les premiers temps, un peu moins après. Par contre, on a besoin d'accords très durables, mais ce n'est pas facile de garder une très bonne relation avec une organisation, d'autant plus que ces très grandes entreprises, Caritas c'est un peu le contraire, mais par rapport à des autres grandes fondations d'entreprises, ce qui caractérise les entreprises, c'est le mouvement de personnel, les mouvements de direction, les mouvements d'interlocuteurs. Donc il faut toujours, avec les nouveaux, essayer d'amener des nouvelles choses. La grande tradition à Cocagne, c'est qu'on a toujours voulu s'évaluer en même temps qu'on avançait. Donc on l'a d'abord fait avec un système d'évaluation qu'on a mis au point avec un laboratoire universitaire de sociologie à Besançon, puisqu'on était de là, et que chaque année donc, je pense qu'on est une des rares organisations dans ce domaine-là, à publier l'évaluation de tout ce que l'on peut évaluer à peu près sur un jardin de Cocagne. Et ça, ça plaît aussi beaucoup à nos partenaires privés surtout, parce qu'effectivement il n'y a pas une vraie culture de la mesure de l'impact et de l'évaluation dans le monde de l'économie sociale et solidaire. Et puis la deuxième chose, c'est qu'on le double aussi d'une évaluation très particulière qui pour moi a beaucoup d'importance ; c'est des gens externes qui vont demander à nos propres employés, jardiniers, est-ce que vous pouvez nous parler de votre passage à Cocagne ?, et en croisant ces deux types d'informations, on a à la fois du live direct qui viennent des principaux intéressés, et puis en même temps de vraies mesures autour de chiffres qui sont incontestés et incontestables. Pour les pouvoirs publics, pour les privés, pour tout le monde, l'argent se raréfie, donc il est très important de savoir quand on met de l'argent dans une autre passion ou dans une structure, s'il y a un bon rapport qualité prix. Il est quasi-systématique aujourd'hui que nos partenaires, fondations, entreprises, prévoient des crédits pour évaluer l'impact de ce qu'ils apportent et c'est à partir de ces éléments-là qu'une fondation de cette nature va dire, on continue ou on ne continue pas ou on va recadrer un petit peu les choses. Il n'y aura plus d'argent qui sera donné par des fondations privées à n'importe quelle organisation, sans s'être mis d'accord. D'ailleurs toutes les conventions que nous signons prévoient des systèmes de mesure d'impact ou d'évaluation dès la signature de la convention.