La première, s'il est vrai que l'espace public est plus dangereux pour les hommes
que pour les femmes, pourquoi et de quoi ont-elles peur?
>> En fait c'est assez simple.
Les femmes ont peur des agressions sexuelles et d'un des crimes
qu'elles considèrent comme étant un des crimes les plus graves, qui est le viol.
Parce que, d'abord on leur a appris qu'en tant que femmes, l'espace public
était dangereux pour elles, on le leur a dit depuis qu'elles sont toutes petites.
Et puis ensuite elles ont eu des expériences, elles ont expérimenté
régulièrement quand elles étaient dans la rue, quand elles allaient de chez
elles à l'école, quand elles allaient de chez elles à un lieu festif, eh bien,
elles ont expérimenté des interactions qu'elles ne voulaient pas,
qui n'étaient pas forcément des interactions très graves, mais qui
pouvaient être désagréables et qui leur rappelaient qu'en tant que femmes,
eh bien, l'espace public est dangereux pour elles.
Alors, ces interactions n'étaient pas forcément très graves,
donc elles n'apparaissent pas dans les statistiques,
on ne vas pas forcément aller à la police pour dire que on a été suivie
ou que quelqu'un a fait un commentaire ou que quelqu'un nous a insultée
et donc ce sont autant d'éléments,
d'actes qui leur rappellent en fait qu'en tant que femmes, l'espace public
est un lieu dans lequel elles ne peuvent pas se mouvoir comme le font les hommes.
Alors, Jean-François Staszak, dans sa question, souligne un
paradoxe et c'est vrai qu'il y a un paradoxe dont il faut absolument parler,
c'est le fait que les statistiques générales de victimation soulignent
que ce sont les hommes qui sont victimes de violences dans les espaces publics,
qu'ils sont victimes d'autres hommes d'ailleurs.
Alors, si les femmes sont plus nombreuses à dire qu'elles ont peur de l'extérieur,
plus nombreuses que les hommes, c'est paradoxal également parce que ces
mêmes statistiques générales de victimation,
elles affirment que les femmes sont avant tout victimes dans la sphère privée,
qu'elles sont victimes d'hommes qu'elles connaissent, de proches.
Alors c'est un paradoxe que les féministes elles-mêmes ont souligné de longue
date d'ailleurs, notamment les féministes, les femmes qui ont travaillé dans les
années 1970 sur la question des violences faites aux femmes,
puisqu'elles ont dit que cet accent, mis sur l'extérieur,
finalement insistait sur ces violences à l'extérieur quand
le nombre le plus important de violences à l'encontre des femmes était les violences
conjugales ou plus largement les violences domestiques.
Et donc elles ont insisté sur la dimension idéologique de parler de cette
peur de l'extérieur pour dire que finalement ça participait à reconstruire