[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous allons maintenant nous intéresser à un concept phare dans le champ des étudiants, la notion de division sexuée et internationale du travail. En référence aux différentes formes d'insertions sur le marché du travail, des personnes selon leurs origines réelles ou supposées et leur appartenance de genres. Nous chercherons, dans cette séquence, à interroger les différentes mutations qui ont touché l'insertion des femmes sur le marché du travail à l'échelle mondiale. Pour comprendre cette transformation, nous avons avec nous aujourd'hui Margareth Maruani, directrice de recherche au CNRS, l'une des pionnières en France, dans le champs des études genres à analyser les inégalités de genres sur le marché du travail. En 2013, elle a d'ailleurs dirigé l'ouvrage, Travail et genre dans le monde, l'état des savoirs, aux éditions La découverte, qui dépeint ces transformations sur lequel nous reviendrons. Margaret Maruani, bonjour. >> Bonjour. >> Pour commencer revenons peut-être sur un des constats que vous faites dans cet ouvrage, je vous cite, dans le monde du travail, les femmes sont partout l'égalité nulle part. Selon vous, doit-on invoquer des causes locales ou des causes globales à cet état de faits? >> Oui, alors les femmes sont partout, l'égalité nulle part, >> ça c'est vrai que l'on constate, à l'échelle de la planète, des inégalités qui demeurent, selon des déclinaisons bien différentes, que l'on parle des Etats-Unis, de L'Europe, la Chine, de l'Inde, mais l'on constate partout que, travail égal salaire égal, ça n'existe nulle part. qu'il y a des différences entre les carrières des hommes et des femmes, qu'il y a des phénomènes de ségrégation que l'on rencontre partout, que le chômage touche très fortement les femmes. Il y a aussi des choses qui se déclinent de façon très différente, comme le travail précaire ou le travail informel. Le travail informel, on le trouve beaucoup plus dans les pays du sud, le salariat est beaucoup plus développé dans les pays de l'Europe et aux Etats-Unis. Donc, ça ce sont des différences très fortes selon les pays, mais on constate qu'il y a des inégalités entre hommes et femmes que l'on rencontre partout. >> Et donc, qu'est ce qui rends ces inégalités si durables? >> C'est-à-dire que l'on rencontre partout des phénomènes de résistances aux politiques d'égalités qui sont extrêmement forts. Je crois qu'on se rends compte un peu partout que s'il n'y a pas de volonté politique, il ne se passe rien, qu'il n'y a pas de pente naturelle vert l'égalité. L'idée que les choses vont s'arranger gentillement, naturellement, que les inégalités vont se diluer dans la modernité, non, cette idée là elle est fausse, alors là elle est fausse sur toutes les latitudes. De même que on retrouve à peu près les même secteurs, comment dire, monopole féminin, par exemple tout ce qui est travail domestique, et le travail des domestiques, c'est-à-dire le même travail, rémunéré ou pas rémunéré. tout ce qui lié au métier de service à la personne, ce que l'on nomme aujourd'hui le care, tout ça est le monopole des femmes, dans tous les pays c'est assez incroyable à voir. >> La force de cet ouvrage collectif est notamment de présenter le travail féminin >> en tant qu'entité hétérogène. Vous parlez, à ce titre, d'un phénomène de bipolarisation, est-ce que vous pouvez nous en dire plus? >> Oui, ce que l'on observe, c'est que les inégalités entre hommes et femmes, elles sont dures, elles sont durables, elles sont partout. Mais ce que l'on voit aussi, c'est qu'il y a des inégalités très fortes entre les femmes. Entre les femmes des différentes pays, des différentes aires géographiques, c'est sure, entre les femmes américaines du nord et du sud, entre les femmes indiennes et les femmes européennes, évidemment il y a de fortes différences, mais on observe aussi, pays par pays, que des écarts se creusent. Ce qui fait les lignes de démarcation, ce qui trace les frontières, depuis un demi siècle, ce sont deux phénomènes, d'une part, la salarisation, et d'autre part, l'élévation du niveau d'éducation, d'instruction des filles et des femmes. C'est-à-dire que là où la salarisation se développe, le travail des femmes devient visible, il est payé, il est comptabilisé, alors que ailleurs, là où beaucoup de femmes travaillent, beaucoup de travail féminin est cantonné dans l'économie informelle, dans le travail agricole non déclaré, non reconnu et souvent non payé, là les écarts sont très grands. Mais on constate aussi, pays par pays, que les écarts se creusent. Si vous prenez l'Europe par exemple, ou les Etats-Unis ou certains pays d'Amérique Latine, vous voyez bien qu'entre les femmes qui font de bonnes études, qui réussissent à trouver un emploi qualifié, bien rémunéré, même si elles ne sont pas les égales des hommes, on peut dire qu'il y a un certain nombre de femmes qui retrouvent sur le marché du travail ce qu'elles ont réussi dans le système scolaire. A l'autre bout de l'échelle sociale, vous avez de nombreuses femmes qui se cantonnent dans des emplois subalternes, des services souvent ou dans des emplois de l'agriculture peu ou pas rémunérés. La question, c'est l'historienne Michelle Perrot qui le disait si bien, c'est pas de savoir si les femmes travaillent ou pas, les femmes ont toujours travaillé, mais quand et où sont-elles rémunérées pour leur travail, ça c'est la question, et ça, c'est vrai qu'on observe des réponses différentes selon les aires géographiques où l'on se trouve. >> Donc on comprend bien qu'il existe plusieurs lignes de fractures, notamment lié à la scolarisation et la salarisation, pour expliquer cette bipolarisation et à ce titre, comment la féminisation des migrations est venue renforcer ces fractures? >> Eh bien, la féminisation de la migration qui >> est une migration de travail, parce que l'on a souvent parlé des migrations féminines comme des femmes qui suivent leur mari, hors, on sait bien aujourd'hui, heureusement les études se sont multipliées là-dessus qui nous montrent que beaucoup émigrent pour trouver un emploi, et souvent on voit >> des lignes de fractures qui se font, parce que ces femmes migrantes, pour la plupart, occupent des emplois non qualifiés, que les femmes des pays où elles viennent ne veulent pas faire, ou ne le font plus, donc la division sexuelle du travail devient aussi une division internationale du travail. Celles qui s'occupent de faire de ménage ou qui s'occupent des personnes âgées en Europe, sont des femmes, qui pour la plupart, viennent d'Afrique, viennent d'Amérique Latine, viennent d'autres pays, donc la division sexuelle du travail, aujourd'hui, elle se joue à l'échelle mondiale, c'est clair. Mais, elle se joue aussi à l'intérieur de chacun des pays, c'est clair. >> Margaret Maruani je vous remercie de nous avoir apporté ces éclairages sur la division sexuée et internationale du travail. [MUSIQUE] >> Merci à vous. [MUSIQUE] [MUSIQUE]